Page:Crébillon - La Nuit et le Moment.djvu/229

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plus à de simples projets de vengeance, si je n’eusse pas abusé contre elle de l’état violent où elle se trouvoit, & que je ne lui eusse pas arraché des faveurs qu’elle n’eût peut-être jamais songé d’elle-même à m’accorder. Ce fut donc sans fiel & sans amertume que je me plaignis qu’elle s’étoit trompée sur son cœur, lorsqu’elle avoit cru que je lui faisois oublier Oronte. Un regard & un soupir, qui m’apprirent combien en effet elle se reprochoit de l’avoir cru, furent toute sa réponse. Je lui dis alors tout ce que l’on peut dire d’honnête & de flatteur à une femme par qui l’on est quitté, & l’assurai que j’étois d’autant moins surpris du malheur qui m’arrivoit avec elle, qu’au milieu même de tout ce qu’elle avoit fait pour moi, elle m’avoit fait sentir combien elle tenoit encore à l’homme qu’elle sembloit me sacrifier. J’ajoutai qu’il me seroit, s’il se pouvoit pourtant, plus cruel encore de la posséder malgré elle-même, qu’il ne m’auroit été doux de la te-