Page:Crébillon - Théâtre complet, éd. Vitu, 1923.djvu/372

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Daignez de vos desseins peser la violence ;
Non qu'à les soutenir mon amitié balance,
N'en attendez pour vous que d'éclatants efforts ;
Je n'ai pas seulement écouté mes remords.
Cette foi des serments parmi nous si sacrée,
Cette fidélité ce jour même jurée,
Tant de devoirs enfin deviennent superflus :
Vous n'avez qu'à parler, rien ne m'arrête plus.

Artaban.

Laisse ces vains devoirs à des âmes vulgaires,
Laisse à de vils humains ces serments mercenaires :
Malheur à qui l'ardeur de se faire obéir,
En nous les arrachant, nous force à les trahir !
Quoi ! toujours enchaîné par une loi suprême,
Un cœur ne pourra donc disposer de lui-même,
Et du joug des serments, esclaves malheureux,
Notre honneur dépendra d'un vain respect pour eux ?
Pour moi, que touche peu cet honneur chimérique,
J'appelle à ma raison d'un joug si tyrannique ;
Me venger et régner, voilà mes souverains,
Tout le reste pour moi n'a que des titres vains ;
Le soin de m'élever est le seul qui me guide,
Sans que rien, sur ce point, m'arrête ou m'intimide.
Il n'est lois ni serments qui puissent retenir
Un cœur débarrassé du soin de l'avenir.
À peine eus-je connu le prix d'une couronne,
Que mes yeux éblouis dévorèrent le trône ;
Et mon cœur, dépouillant toute autre passion,
Fit son premier serment à son ambition ;
De froids remords voudraient en vain y mettre obstacle,
Je ne consulte plus que ce superbe oracle,
Un cœur comme le mien est au-dessus des lois :
La crainte fit les dieux, l'audace a fait les rois.
Le moment est venu qu'il faut que son courage
Affranchisse Artaban d'un indigne esclavage ;
Ce Darius si grand, qui cause ta frayeur,
Deviendra le premier l'objet de ma fureur.
Je prétends que dans peu, la Perse qui l'adore,
Autant qu'il lui fut cher, le déteste et l'abhorre.
Mais Xerxès vient à nous ; attends, pour me quitter,
Que je sache quels soins le peuvent agiter.

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