Et plus vous ravissez d'États à ce vainqueur,
Plus l'amour indigné le couronne en mon cœur.
Et plût aux dieux, Seigneur, lorsque tout l'abandonne,
Pouvoir lui tenir lieu de père et de couronne.
Que sert de vous flatter sur ce que j'ai promis,
Quand la loi me dégage envers vous et mon fils ?
Ainsi, sans vous parer d'une vaine constance,
Méritez mes bontés par votre obéissance,
Et craignez qu'Amestris avant la fin du jour,
Ne déteste peut-être et l'amant et l'amour.
Quel que soit Darius, Madame, je souhaite
Qu'il puisse mériter une ardeur si parfaite.
Je ne sais cependant si ce héros fameux,
Pour qui vous témoignez des soins si généreux,
Est si digne en effet des transports de votre âme.
Et quel garant si sûr avez-vous de sa flamme ?
Pour fixer un amant, quels que soient vos attraits,
Peut-être qu'en ces lieux il est d'autres objets
Qui pourraient bien encore partager sa tendresse.
Je ne dis rien de plus, Madame, je vous laisse,
Sûr de vous voir bientôt m'obéir sans regret.
}}
Scène VIII
{{bloc centré|
Juste ciel ! quel est donc ce terrible secret ?
Quel orage nouveau contre moi se prépare ?
Quelle horreur tout à coup de mon âme s'empare ?
Je me sens accabler de trouble et de douleurs,
Et malgré ma fierté je sens couler mes pleurs.
Quoi ! ce héros, l'objet d'une flamme si belle,
Ce Darius si cher serait un infidèle ?
Malheureuse Amestris, voilà donc ce retour
Pour qui de tant de voeux j'importunais l'amour ?
Quoi ! tandis que pour lui ma folle ardeur éclate,
Une autre à ses attraits soumet son âme ingrate ?
Lui que j'ai toujours cru si grand, si généreux,
Que l'amour me peignait au-dessus de mes voeux,
Que j'égalais aux dieux dans mon âme insensée,
Trahit donc tant d'amour ? Ah, mortelle pensée !
Mais, que dis-je ? Où mon cœur va-t-il s'abandonner ?
Et sur la foi de qui l'osé-je soupçonner ?
Sur la foi d'un cruel qui cherche à me surprendre,