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II}}

Barsine, Cléone.
Barsine.

Qu'à cet espoir flatteur j'ai de peine à me rendre !

Cléone.

Madame, eta qu'a-t-il donc qui doive vous surprendre ?
À quels charmes plus grands un héros si fameux
Pouvait-il espérer d'offrir jamais ses voeux ?

Barsine.

Cléone, la beauté, quelque amour qu'elle inspire,
Ne fait pas sur les cœurs notre plus sûr empire.
Pour en fixer les voeux il est d'autres attraits,
Malgré tout son éclat, plus doux et plus parfaits.
C'est d'un amour constant, la vertu qui décide,
Et non la beauté seule avec un cœur perfide.
Et tu veux que le mien méprisé sur l'écueil
Où l'a précipité son téméraire orgueil,
Puisse croire un moment que Darius m'adore ?
Il faudrait que son cœur pût m'estimer encore,
Que le mien plus fidèle eût fait tout son bonheur
De l'honneur d'asservir cet illustre vainqueur.
Mais le frivole éclat qui sort du diadème,
M'a fait porter mes voeux jusqu'à Xerxès lui-même ;
Sur quelques soins légers qu'il faisait éclater,
Mon cœur d'un vain espoir crut pouvoir se flatter ;
En vain à ce désir qui séduisait mon âme,
Darius opposait ses vertus et sa flamme ;
Tout aimable qu'il est, dans l'ardeur de régner,
Ma folle ambition me le fit dédaigner.
Juge après cet aveu si son retour m'accable ;
Et plus il fait pour moi, plus je deviens coupable.
Prince trop généreux, quel malheur te poursuit !
Lorsque je puis t'aimer, d'un vain espoir séduit,
À de vaines grandeurs mon cœur te sacrifie,
Quand je t'aime en effet, tout veut que je te fuie !
Mais si je puis jamais disposer de ta foi...
J'entends du bruit. On vient. Juste ciel ! c'est le roi.

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