Mon cœur au désespoir ne peut plus se contraindre ;
Avant que de m'ôter l'objet de mon amour,
Il faudra me priver de la clarté du jour ;
Tant que d'un seul soupir j'aurai part à la vie,
Amestris à mes voeux ne peut être ravie ;
Je la disputerai de ce reste de sang
Que mes derniers exploits ont laissé dans mon flanc,
À moins que votre bras, plus cruel que la guerre,
De ce malheureux sang n'arrose ici la terre ;
De ce sang toujours prêt à couler pour son roi,
Tant de fois hasardé pour lui prouver ma foi.
Eh, qui de vos sujets, plus soumis, plus fidèle,
Jamais par plus de soins sut signaler son zèle ?
Eh, qu'a donc fait, Seigneur, ce rival si chéri,
Loin du bruit de la guerre et des tentes nourri,
Peut-être sans vertus que l'honneur de vous plaire,
Pour être de mes droits l'heureux dépositaire ?
Pour faire à vos soldats approuver votre choix,
Qu'il nomme les États conquis par ses exploits,
Qu'il montre sur son sein ces nobles cicatrices,
Titres que pour régner m'ont acquis mes services.
Droit du sang, zèle, exploits, Seigneur, j'ai tout pour moi,
Et cependant c'est lui que vous faites mon roi !
Si vous eussiez moins fait, vous le seriez, peut-être,
Mais je n'ai pas voulu m'associer un maître ;
Darius, pour régner, comptant pour rien ma voix,
A cru qu'il suffisait que mon peuple en fît choix.
On ne vous voit jamais traverser Babylone,
Qu'aussitôt, à grands flots, il ne vous environne.
Vous semblez ne courir à de nouveaux exploits,
Que pour venir après nous imposer des lois.
Artaxerce, d'ailleurs, est issu d'une mère
Qu'un tendre souvenir me rendra toujours chère ;
La vôtre, de concert avec mes ennemis,
De mon sceptre, en naissant, déshérita son fils ;
Non que de mon courroux la constance inhumaine
Vous ait fait après elle héritier de ma haine.
Je veux bien avouer, qu'après tant de hauts faits,
Vous ne méritiez pas le sort que je vous fais.
Prince, quoi qu'il en soit, je veux qu'on m'obéisse,
J'exige encore de vous ce second sacrifice :
Partez.
{{Personnage|Dari