Page:Crébillon - Théâtre complet, éd. Vitu, 1923.djvu/411

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Qui peut m'avoir conduit jusqu'à ce lit sacré,
Du reste des mortels, hors toi seul, ignoré,
Dont n'aurait pu m'instruire une faible lumière ?

Artaban.

Que sais-je ? Le destin ennemi de ton père.

Amestris.

Ah ! Seigneur, c'en est trop ; et mon cœur irrité
Ne peut, sans murmurer de cette indignité,
Voir le vôtre souffrir qu'avec tant d'insolence
Un traître ose, à mes yeux, opprimer l'innocence ;
Que la main teinte encore du sang qu'il fit couler,
De sa fausse douleur prêt à vous aveugler,
Il ose de son crime accabler votre frère,
Sans exciter en vous une juste colère.
Il ne vous reste plus, crédule et soupçonneux,
Que de nous partager un crime si honteux.

Darius.

Ah ! Madame, souffrez que ma seule innocence
Se charge contre lui du soin de ma défense.
Pour convaincre de crime un prince tel que moi,
Malheureux, il faut bien d'autres témoins que toi ;
Tu n'es que trop connu.

Artaban.

J'ai voulu voir, barbare,
Jusqu'où pourrait aller une audace si rare ;
Mais sous tes propres coups il te faut accabler.
Regarde, si tu peux, ce témoin sans trembler.
Il lui montre son poignard

Darius.

Grands dieux !

Artaban.

Voyez, Seigneur, voyez ce fer perfide,
Que du sang de son père a teint le parricide,
Encore tout dégouttant de ce sang précieux,
Dont l'aspect fait frémir la nature et les dieux.
Roi des rois, c'est à toi que ma douleur l'adresse,
Armes-en désormais une main vengeresse ;
Efface, en le plongeant dans son perfide sein,
Ce qui reste dessus du crime de sa main.

Darius.

Je demeure interdit. Dieux puissants ! Quoi ! La foudre
Ne sort pas de vos mains pour le réduire en poudre ?
Ah ! Traître, oses-tu bien employer contre moi
Ce fer que l'amour seul a commisà ta foi ?