Ah ! de leur cruauté loin que je sois complice,
Il n’est point de moments où mon coeur n’en gémisse.
Faites moins éclater une feinte douleur
Qui ne sert qu’à prouver que vous manquez de coeur ;
Pourquoi donc vous unir à la toute-puissance
Dès que vous n’en pouvez réprimer la licence,
Ni soutenir un rang qui doit régler vos pas ?
Si votre coeur est pur, vos mains ne le sont pas ;
Le sang coule à vos yeux, vous n’osez le défendre,
C’est vous qui le versez en le laissant répandre ;
D’Antoine et de César collègue sans honneur,
Lorsque vous en pourriez devenir la terreur
À peine vous osez disputer votre tête,
Trop heureux en fuyant d’éviter la tempête ;
Inutile tyran d’un peuple malheureux,
Soyez du moins pour nous un tyran courageux ;
Et si c’est à régner que votre coeur aspire,
Sauvez donc les sujets qui forment votre empire ;
Unissons nos efforts et notre désespoir,
Du Sénat expirant ranimons le pouvoir :
Lorsque de Rome en feu, ses cris se font entendre,
Attendez-vous sa fin pour pleurer sur sa cendre ?
Ouvrez les yeux, Lépide, et revenez à vous,
Rome en pleurs avec moi vous implore à genoux.
Devenons tour à tour pères de la patrie,
Et rendons aux Romains une nouvelle vie ;
Dussions-nous à la mort nous livrer sans succès
Nous revivrons tous deux pour ne mourir jamais.
Pour le salut de Rome inutile espérance,
Abandonnez aux dieux le soin de sa défense ;
Il n’est plus de Romains, ni de lois, ni d’État,
C’est votre nom lui seul qui fait tout le Sénat ;
Romain trop vertueux, dans ce malheur extrême
Ne songez qu’à sauver votre fille et vous-même ;
Tout l’univers en vain s’intéresse à vos jours,
Si la fureur d’Antoine en veut trancher le cours ;
Échauffé par les cris d’une femme inhumaine,
Que des fleuves de sang satisferaient à peine,
Ce cruel veut vous mettre au nombre des proscrits,
Et vous pouvez juger quel en sera le prix :
Je crains qu’à vos dépens Octave ne se venge
Et que de Lucius vous ne soyez l’échange ;
Octave qui poursuit l’oncle du triumvir