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Page:Crébillon - Théâtre complet, éd. Vitu, 1923.djvu/491

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Que ne peut ma mort seule en relever le prix,
Et sauver de vos coups tant d’illustres proscrits ?

Octave

Ah, c’en est trop ! Songez, orgueilleuse Tullie,
Que c’est vous qui livrez votre père à Fulvie.

Tullie

Seule.

Barbare que mon coeur ne peut trop dédaigner,
Nous saurons mieux mourir que tu ne sais régner.
Dieux cruels, épuisez sur moi votre colère,
Ou de son désespoir daignez sauver mon père !
Ô Romains, que l’honneur de mériter ce nom
Coûte cher, si l’on veut imiter Cicéron !
Tout est perdu pour moi.


Scène IV

Clodomir, Tullie.
Clodomir

Je vous cherchais, Madame ;
Quel trouble à mon aspect s’empare de votre âme ?
Quoi, vous levez au ciel vos yeux baignés de pleurs !
N’ai-je donc pas assez éprouvé de malheurs ?
Les premiers n’ont que trop exercé ma constance ;
Ah ! Tullie, autrefois ma plus chère espérance,
Pardonnez à mon coeur quelques transports jaloux :
L’heureux César va-t-il devenir votre époux ?

Tullie

Eh ! plût au ciel n’avoir d’autre malheur à craindre,
Vous et moi nous serions peut-être moins à plaindre !
Offrez à ma douleur de plus dignes objets ;
Accablé de ses maux, consumé de regrets,
Mon père avant sa mort veut que notre hyménée
Éclaire de ses feux cette horrible journée.
Eh, que lui servira d’unir des malheureux,
Menacés comme lui du sort le plus affreux !
Quel temps a-t-on choisi pour me faire connaître
Un époux qui n’aura qu’un seul moment à l’être ?
Sextus, mon cher Sextus, renoncez à ma main,
Ce n’est pas moi qui dois borner votre destin ;
Lorsque j’ai désiré que vous fussiez Pompée,