Me faites malgré moi douter de votre amour.
Quoi ! ce père, l’objet de toute ma tendresse,
Qui me cherchait encor quoiqu’il me vît sans cesse,
Ce père qui semblait ne vivre que pour moi,
Ne pourra désormais me voir qu’avec effroi ?
Quel transport imprévu de votre âme s’empare ?
Apprenez-vous d’Octave à devenir barbare ?
La flotte de Sextus nous attend tous au port,
Faites-vous sur vous-même un généreux effort.
C’est votre fille en pleurs, cette même Tullie,
Du père le plus tendre, autrefois si chérie,
Qui, la mort dans le sein, vous demande à genoux,
De ne lui point ravir ce qu’elle tient de vous.
Ma vie est dans vos mains et ne tient qu’à la vôtre,
Daignez en ce moment nous suivre l’un et l’autre :
Ce lieu n’est point encor entouré de soldats
Qui puissent observer ou retenir vos pas ;
Nous pouvons en secret gagner les bords du Tibre.
Mon père, suivez-nous, puisque vous êtes libre,
Et que vous n’êtes pas au nombre des proscrits.
Ah ! c’est moins par respect pour moi, que par mépris,
Ne pouvant m’effrayer, Antoine m’humilie.
C’est pour flétrir mon nom que le cruel m’oublie ;
Si sa main m’eût proscrit, l’univers aurait su
Que parmi ces héros, du moins j’aurais vécu.
Pour braver mes tyrans, je veux mourir dans Rome ;
En implorant ses dieux, c’est moi seul qu’elle nomme.
Je ne priverai point de mes derniers soupirs,
Ce lieu, qui fut l’objet de mes premiers désirs.
J’ai tant vécu pour moi, si peu pour ma patrie,
Que je veux dans son sein du moins finir ma vie ;
Si je fuyais, César qui me redoute encor,
À ses projets bientôt donnerait plus d’essor.
Cessez de vous flatter d’une espérance vaine,
César aime Tullie, et craint peu votre haine,
Dans ses murs malheureux, Rome va succomber ;
Croyez-vous qu’avec elle, il soit beau de tomber,
Lorsqu’en lui conservant un ami si fidèle,
Nous pouvons espérer de renaître avec elle ?
N’avons-nous pas ailleurs des secours assurés ?
La Sicile, Brutus, Rhodes, les conjurés.
Qui moi, mon fils, que j’aille errant dans la Sicile,