Je ne suis pas venu pour me faire juger :
Pour la dernière fois je demande Tullie.
Faut-il que jusque-là ta grandeur s’humilie ?
D’un amour simulé laissons là les attraits ;
Va, je t’ai pénétré plus que tu ne voudrais,
Les doux liens du coeur, étrangers dans ton âme,
Ne triompheront point de l’ardeur qui t’enflamme ;
C’est la soif de régner, voilà ce que tu veux.
Mais comme il faut voiler ce projet dangereux,
Tu veux en imposer par l’hymen de Tullie,
Faire croire aux Romains, puisqu’à toi je m’allie,
Que j’épouse à mon tour ta haine et ta fureur,
En faveur d’un hymen qui me comble d’honneur ;
Si je t’ouvre un chemin à la grandeur suprême,
Que je l’aplanis moins pour toi que pour moi-même,
Et qu’enfin, c’est moi seul qui dicte tes arrêts,
Prétexte précieux pour m’immoler après.
Si j’avais de te perdre une secrète envie,
Qui pourrait m’engager à retenir Fulvie ?
Imprudent orateur, songe que ton orgueil
A de tes intérêts toujours été l’écueil ;
S’il me faut pour régner l’appui d’une famille,
Qu’ai-je besoin, dis-moi, de toi ni de ta fille ?
Ingrat, si tu jouis de la clarté du jour,
Apprends que tu ne dois ce bien qu’à mon amour ;
Vois ton nom.
Je l’ai vu, César, je t’en rends grâce.
Mais il ne s’agit pas du sort qui me menace :
Il s’agit des Romains. Pour la dernière fois,
D’un ami malheureux daigne écouter la voix.
Je n’écoute plus rien d’un ami si perfide ;
Ce n’est pas l’intérêt de Rome qui te guide.
Ce fameux Clodomir, ce rival odieux,
Qu’avec tant de secret tu cachais en ces lieux,
Injurieux objet d’une lâche tendresse,
Est le seul où ton coeur aujourd’hui s’intéresse.
C’est l’amant de Tullie, ose me le nier.
Je ne chercherai pas à m’en justifier.
Pourquoi de ce rival te ferais-je un mystère ?
A-t-il trempé ses mains dans le sang de ton père ?