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poésies.


Mais, en mourant, il redisait encore
À son enfant qui pleurait dans ses bras :
« De ce grand jour tes yeux verront l’aurore,
« Ils reviendront ! et je n’y serai pas ! »

Tu l’as dit, ô vieillard ! la France est revenue.
Au sommet de nos murs, voyez-vous dans la nue
Son noble pavillon dérouler sa splendeur ?
Ah ! ce jour glorieux où les Français, nos frères,
Sont venus, pour nous voir, du pays de nos pères,
Sera le plus aimé de nos jours de bonheur.

Voyez sur les remparts cette forme indécise,
Agitée et tremblante au souffle de la brise :
C’est le vieux Canadien à son poste rendu !
Le canon de la France a réveillé cette ombre,
Qui vient, sortant soudain de sa demeure sombre,
Saluer le drapeau si longtemps attendu.

Et le vieux soldat croit, illusion touchante !
Que la France, longtemps de nos rives absente,
Y ramène aujourd’hui ses guerriers triomphants,
Et que sur notre fleuve elle est encor maîtresse :
Son cadavre poudreux tressaille d’allégresse,
Et lève vers le ciel ses bras reconnaissants.

Tous les vieux Canadiens moissonnés par la guerre
Abandonnent ainsi leur couche funéraire,
Pour voir réalisés leurs rêves les plus beaux.
Et puis on entendit, le soir, sur chaque rive,
Se mêler au doux bruit de l’onde fugitive
Un long chant de bonheur qui sortait des tombeaux.