Page:Crémazie - Œuvres complètes, 1882.djvu/143

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

144
poésies.

UN SOLDAT DE L’EMPIRE[1]


 
Qu’ils étaient grands ces jours où l’Europe tremblante
Devant l’invincible guerrier,
Qui passait sur le monde en semant l’épouvante
Sous les pas de son fier coursier,
Comme devant un dieu se courbait en silence
Au seul nom de Napoléon,
Et, malgré tous ses rois, subissait la puissance
De cet indomptable lion.

  1. Cette pièce est dédiée à la mémoire de M. Évanturel, vieux soldat de Napoléon, émigré au Canada.

    Né à Beaucaire, en Provence, M. Évanturel vit les noyades du Rhône et l’installation de la déesse Raison dans l’église de sa ville natale.

    Appelé par la conscription sous les drapeaux de l’Empire, il fit les campagnes d’Espagne et de Portugal. Poursuivi dans la forêt par des brigands espagnols, fait prisonnier par eux, il fut livré aux Anglais, qui l’envoyèrent en garnison à Démérara. Il vint en Canada avec le 60e carabiniers.

    Admirateur enthousiaste de l’empereur, il conserva toute sa vie le culte du héros, et ce fut un bonheur suprême pour lui d’apprendre de la bouche de son fils, quelques instants avant sa mort, l’avènement de Napoléon III au trône impérial.

    S’il eût vécu encore quelques années il eût reçu, comme notre concitoyen M. Blanc, la médaille de Sainte-Hélène, à laquelle il avait droit comme soldat de l’armée d’Espagne.