Page:Crémazie - Œuvres complètes, 1882.djvu/208

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le ver.


« Ta bière est mon empire et ton corps est mon trône ;
« Je suis ton maître et ton tourment.
« Des fibres de ton cœur je fais une couronne
« Plus brillante qu’un diamant. »

le mort.


« Oh ! si je pouvais fuir cette demeure horrible !
« Si je criais, peut-être une main invisible
« Viendrait-elle ouvrir mon tombeau !
« On dirait que là-haut on marche sur la terre.
« Au secours ! sauvez-moi !… Le cri de ma misère
« Ne trouve pas même un écho. »

le ver.


« Ils ne t’entendront pas. Les vivants n’ont d’oreilles
« Que pour ce qui peut les servir.
« Il leur faut des honneurs, des fêtes pour leurs veilles…
« Ô mort ! peux-tu leur en fournir ? »

le mort.


« Hélas ! je n’ai plus rien, rien que mon blanc suaire,
« Rien que mon corps flétri, rien que cet ossuaire
« Où le jour ne paraît jamais !
« Si je n’ai plus ces biens que leur folie adore,
« Ah ! pour penser à moi mes amis ont encore
« Le souvenir de mes bienfaits. »