Page:Crémazie - Œuvres complètes, 1882.djvu/215

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« Non, cette goutte d’eau, ce n’est pas cette aumône
« Qu’on donne à qui vient de mourir,
« Ni cet élan du cœur qui tresse une couronne
« Avec les fleurs du souvenir.

« Ce n’est qu’un allié que la terre m’envoie
« Pour hâter ta destruction,
« La terre, qui partage avec moi chaque proie
« Et qui prend la part du lion !

« Quand tu voyais encor le ciel dont les étoiles
« Te jetaient leur douce clarté,
« La terre à tes regards se découvrait sans voiles,
« Dans sa splendeur et sa beauté.

« Egoïste et cruel, ta main insoucieuse
« Cueillait tous les fruits de son sein,
« Et sans remercier la mère généreuse
« Qui te donnait l’air et le pain.

« Aujourd’hui c’est son tour ; ta sombre créancière,
« T’enserrant dans ses bras profonds,
« Ô cadavre, enchaîné sur ton lit de poussière,
« Va te reprendre tous ses dons.

« Ta chair, qui retenait ton âme prisonnière
« Et voilait ce divin flambeau,
« Ta chair, dont elle fut l’origine première,
« Ta chair, ta honte et ton fardeau ;