Page:Crémazie - Œuvres complètes, 1882.djvu/232

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Prés, village de huit cents âmes, à une lieue de Châteauneuf. Il y a là une église bâtie en 806, très curieuse à voir ; elle renferme une mosaïque du style byzantin, qui passe pour la plus ancienne mosaïque de la France. Ce jour-là, c’était la fête du pays. Sur la place de l’église, les villageois et les villageoises dansaient au son du violon, que jouait un ménétrier perché sur un tonneau. C’était curieux, mais les villageoises ne ressemblaient pas du tout aux bergères de Florian. Avec leur teint hâlé et leurs gros sabots, ces paysannes m’ont paru bien inférieures à nos habitantes.

J’étais avec M. Lubin. Nous sommes entrés chez des paysans au moment de leur dîner. Sur un escabeau, haut d’à peu près deux pieds et long de trois, la femme pose une immense gamelle contenant une soupe au pain de seigle et aux pommes de terre. (Ce pain est noir comme celui de nos campagnes.) On mange à la gamelle avec la cuillère. La soupe enlevée, on place sur la table un gros morceau de lard bouilli, dont chacun coupe une tranche avec son couteau de poche. Cette tranche, on la met sur un gros morceau de pain et on la mange ainsi. Après le lard, on sert une énorme salade, dans la gamelle, comme la soupe. Voilà le dîner. Pendant le repas, on passe le pichet, grosse cruche en grès qui renferme de la piquette. Les assiettes, la nappe, les fourchettes semblent parfaitement inconnues. Franchement nos paysans sont beaucoup plus heureux que ceux de France.

En revenant vers neuf heures, nous avons rencon-