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l’indomptable énergie. Thiers est plutôt un causeur, mais un causeur qui s’élève aux plus hauts sommets de l’éloquence quand il a en face de lui un adversaire qui lui rend la monnaie de sa pièce. Rouher m’a semblé, par son ton plus solennel, par son geste plus étudié, répondre mieux que Thiers à l’idée que nous nous faisons du grand orateur. Mais ce qui est admirable dans tous les deux, c’est l’éloquence. Quelle clarté, quelle méthode dans l’improvisation ! Comme les phrases succèdent aux phrases, les périodes aux périodes, sans effort, sans hésitation ! Tout cela coule comme un fleuve dont la source est intarissable. Nos pauvres orateurs canadiens, même les meilleurs, quand ils improvisent, ont des tâtonnements, des eh et des heu qui les aident à trouver leurs phrases. Ici, rien de cela. L’expression propre arrive sans se faire attendre une seconde, et la phrase faite dans le feu de l’inspiration est claire, nette, élégante comme si elle avait été enfantée dans le silence du cabinet. J’ai vu là toutes les sommités politiques. Je garderai longtemps le souvenir de cette journée…


À MM. Jacques et Joseph Crémazie.


Paris, 23 août 1870.
Mes chers frères,

Vous avez dû être aussi surpris qu’affligés en apprenant la défaite de l’armée française, le 6