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journal du siège de paris.

dus sur le bitume et dorment au soleil comme des lézards ou des lazzaroni. Au moment où je vous écris on entend le canon. Je vais aller voir ce qui se passe. — 9½ heures. — J’arrive de la place du Château-d’Eau, qui est couverte de monde. À part quelques femmes effarées, l’attitude du peuple est calme. On s’est battu toute la journée, sans succès le matin, victorieusement le soir ; voilà ce que je puis démêler dans les récits contradictoires de quelques soldats qui arrivent des fortifications. Pas de détails officiels, beaucoup de cancans. Les coups de canon qui continuent à retentir du côté de Saint-Denis ont pour but de chasser les Prussiens des bois voisins où ils veulent s’établir. Le ton de certains journaux religieux me semble bien étrange. Je comprends que les républicains éreintent le régime qui vient de tomber. Pendant dix-huit ans, ils ont été criblés d’amendes et de mois de prison, ils prennent leur revanche, c’est tout naturel. Mais que le Monde, l’Univers, l’Union viennent nous parler de la tyrannie de Napoléon III, des charmes de la liberté, j’avoue que je n’y comprends plus rien. Comme dans le Barbier de Séville, je me demande : Qui diable trompe-t-on ici ?

Mardi soir, 20 septembre. — Toujours un beau temps désespérant. L’affaire d’hier a été très sérieuse. Les Prussiens ont eu plus de 6, 000 hommes hors de combat. Ils se sont emparés de la redoute de Châtillon, que l’on n’avait pas eu le temps de fortifier d’une manière suffisante. Les mobiles de Paris et ceux de la Bretagne