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decin qui ne cherche dans les traités d’anatomie, de chirurgie et de thérapeutique, que le moyen de vivre en faisant mourir ses patients ; le notaire qui n’a d’autres connaissances que celles qu’il a puisées dans Ferrière et dans Massé, ces deux sources d’où coulent si abondamment ces œuvres poétiques que l’on nomme protêts et contrats de vente ; tous ces gens-là ne sont que des épiciers. Comme le vendeur de mélasse et de cannelle, ils ne savent, ils ne veulent savoir que ce qui peut rendre leur métier profitable. Dans ces natures pétrifiées par la routine, la pensée n’a pas d’horizon. Pour elles, la littérature française n’existe pas après le dix-huitième siècle. Ces messieurs ont bien entendu parler vaguement de Chateaubriand et de Lamartine, et les plus forts d’entre eux ont peut-être lu les Martyrs et quelques vers des Méditations. Mais les noms d’Alfred de Musset, de Gautier, de Nicolas, d’Ozanam, de Mérimée, de Ravignan, de Lacordaire, de Nodier, de Sainte-Beuve, de Cousin, de Gerbet, etc., enfin de toute cette pléiade de grands écrivains, la gloire et la force de la France du dix-neuvième siècle, leur sont presque complètement inconnus. N’allez pas leur parler des classiques étrangers, de Dante, d’Alfieri, de Goldoni, de Goethe, de Métastase, de Lope de Véga, de Caldéron, de Schiller, de Schlegel, de Lemondorff, etc., car ils ne sauraient ce que vous voulez dire. Si ces gens-là ne prennent pas la peine de lire les chefs-d’œuvre de l’esprit humain, comment pourrions-nous espérer qu’ils s’intéresseront aux premiers écrits de notre littérature