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journal du siège de paris.

et du vin pour un an. Espérons que les Prussiens auront décampé avant que nous ayons mangé notre dernier bifteck. Ledru-Rollin, Pyat et Blanqui ne font plus bon ménage. Ils se traitent mutuellement de réactionnaires. Et dire que ces bons hommes-là veulent absolument gouverner la France !

Lundi soir, 10 octobre. — Temps sombre le matin, mais beau dans l’après-midi. Forte canonnade du Mont-Valérien sur Meudon. Du côté de Saint-Denis, on lance une pluie d’obus sur les batteries ennemies. Il n’y a pas de raison pour que le siège de Paris ne dure pas aussi longtemps que celui de Troie. À chaque endroit où les Prussiens veulent établir une batterie, les forts envoient des boulets qui culbutent canons et artilleurs. Et voilà vingt-trois jours que ce jeu-là dure ! Qui de l’assiégé ou de l’assiégeant se fatiguera le premier de ce travail de Pénélope ? That is the question. Le 9 est passé et nous n’avons pas eu l’ombre d’un bombardement. La prétendue prédiction de la religieuse doit être passée au compte des canards. Si nous n’avons pas encore été bombardés, nous serions à la veille de l’être d’après ce que disent les derniers prisonniers prussiens. Les fameux canons Krupp seraient arrivés, et c’est vendredi, le 14, que le roi Guillaume doit commencer à lancer sur les forts une cataracte de boulets et de mitraille. Nous verrons bien. Pour ma part, je ne crois pas au bombardement tant que l’ennemi n’aura pas établi ses batteries à 2,500 ou 3,000 mètres des forts. Jusqu’à présent les artilleurs