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journal du siège de paris.

faudra faire maigre tous les jours, un maigre de trappiste, car nous n’avons plus que des légumes secs et du pain.

Mercredi, 12 octobre. — Un froid noir comme dans les derniers jours de novembre. Il me restait quelques morceaux de bois de l’hiver dernier, je me suis payé un petit air de feu. Tonnerre sur toute la ligne. On a canonné Nanterre, Bougival, la Malmaison, l’île d’Amour, le Font-de-Beauté, Fontenay-aux-Roses, etc., tous endroits qui sont des nids à Prussiens. Près de Bougival, rencontre assez sérieuse avec les assiégeants, qui sont obligés de battre en retraite en laissant une vingtaine de prisonniers. On nous annonce une attaque formidable pour après-demain. Comme le 14 est l’anniversaire de la victoire d’Iéna, les Prussiens voudraient prendre une revanche de la bataille qui ouvrit à Napoléon 1er les portes de Berlin. Toujours des racontars. Le comte de Chambord aurait réalisé sa fortune pour armer 200,000 soldats, à la tête desquels il marcherait au secours de Paris. Pas n’est besoin de vous dire que c’est un conte bleu de Prusse. Les Allemands sont très bien logés dans les villages qui entourent la capitale dans un rayon de quinze lieues. Comme ils envoient de tous côtés des corps de ravitaillement, ils sont parfaitement nourris et souffrent beaucoup moins qu’on se plaît à le dire. Les journaux parisiens s’obstinent à représenter l’armée ennemie comme épuisée et démoralisée. Je crois que ce système d’entretenir la population dans des illusions continuelles pour-