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journal du siège de paris.

village, conquis vendredi, ont dû battre en retraite avec des pertes considérables. C’est toujours le même système depuis le commencement du siège. On est constamment obligé de se replier devant le nombre. Puisque, sans compter les 400, 000 hommes de garde nationale, il y a dans Paris 200, 000 soldats et mobiles, pourquoi n’envoie-t-on pas les troupes d’attaque en nombre suffisant ? On murmure beaucoup en ce moment et je crois que nous aurons des émeutes avant peu. Du reste, l’impression générale semble mauvaise aujourd’hui. Rien de précis, rien d’officiel, mais il souffle dans l’air comme un vent de malheur. Il doit être arrivé des nouvelles fâcheuses au gouvernement. Les petits, comme moi, ne sont pas dans le secret des dieux. Je parierais dix contre un qu’avant quarante-huit heures, le journal officiel nous annoncera quelque désastre. La capitulation de Bazaine ? Une armée de la province anéantie par les Prussiens ? Qui sait ? M. Thiers est arrivé aujourd’hui à Paris et, sans prendre le temps de se rendre chez lui, s’est dirigé immédiatement vers le Ministère des affaires étrangères. Il a passé toute la journée avec Jules Favre. Aujourd’hui, à deux heures, on a élevé sans tambour ni trompette, en tapinois, comme des gens qui commettent une action honteuse, la statue de Voltaire sur le piédestal qui portait celle du prince Eugène. On dit que Napoléon III vient de former un ministère, in partibus infidelium, composé de Palikao, Persigny, Rouher, Pietri, La Guéronnière, Emile de Girardin. Il