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journal du siège de paris.

la tête. Jambon, quatorze francs la livre. Le fromage, dix francs. Les œufs, un franc pièce. Depuis quelques semaines, plusieurs propriétaires de chevaux nourrissaient leurs bêtes de pain, qui coûte maintenant moins cher que le fourrage. Le gouvernement vient de défendre cet abus. Ceux qui ne pourront plus nourrir leurs chevaux les vendront au gouvernement, qui les fera abattre pour l’alimentation de la ville. On dit que l’on a fusillé hier trois cocottes qui faisaient l’espionnage pour le compte des Prussiens. Ma tête va mieux aujourd’hui.

Lundi soir, 28 novembre. — Temps sombre. Grands mouvements de troupes. Nous touchons au moment suprême. On dit que le prince Frédéric-Charles, battu près de Montargis, a été fait prisonnier. Je n’en crois rien. Je vous ai écrit aujourd’hui par ballon. J’ai la tête fatiguée et vais me coucher.

Mardi soir, 29 novembre. — Même temps qu’hier. Canonnade formidable pendant toute la nuit. Trochu et Ducrot sont sortis ce matin à la tête de 160,000 hommes. Jusqu’à présent ce mouvement a pleinement réussi. L’Hay, Thiais, Cœuilly, ont été repris sur les Prussiens par les Français, qui passent la nuit sur le champ de bataille. Les armées de province arrivent. On dit que le comte de Kératry, à la tête de 100,000 Bretons, est à huit lieues de Versailles. Guillaume et Bismark ont quitté cette ville en toute hâte. Grande est l’anxiété, grande aussi la confiance. Espérons que nous serons bientôt débloqués et que je pourrai enfin recevoir vos lettres.