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journal du siège de paris.

à déménager. On les rencontre sur les boulevards, les femmes pleurant, les enfants criant la faim et le froid. Tout cela est bien triste. On commence à perdre espérance et une anxiété bien proche du découragement étreint toutes les poitrines. Personne cependant ne songe à se rendre, et il se ferait un mauvais parti celui qui parlerait d’ouvrir les portes à l’ennemi. On tiendra jusqu’à la dernière bouchée de notre affreux pain noir, non pas dans l’espoir du triomphe, mais seulement pour avoir le droit de dire : Nous avons tout perdu fors l’honneur.

Samedi, 14 janvier. — Le temps est presque doux. On a fait du côté du Moulin-de-Pierre une sortie qui n’a pas réussi. On se plaint beaucoup du général Trochu, qui ne fait des sorties que de quatre à cinq mille hommes, quand il a 300,000 soldats, mobiles et gardes nationaux mobilisés, avec douze cents pièces de canon. On l’accuse hautement de trahison. J’avoue que je ne comprends plus rien à son fameux plan. Si, depuis que nous sommes investis, on avait fait une ou deux sorties par semaine, on aurait certainement mis 100,000 Prussiens hors de combat. Comment se fait-il que le gouverneur de Paris s’obstine à demeurer dans l’inaction ? Il sait pourtant bien que les provisions s’épuisent rapidement et que, dans un mois, six semaines au plus, nous n’aurons d’autre alternative que la capitulation ou la mort par la faim. Je laisse à de plus grands élèves que moi le soin de résoudre ce problème.

Dimanche, 15 janvier, — Temps doux, brouillard