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octave crémazie

actuel, qui, malgré ses cris et ses blasphèmes, est fondé sur les grands principes chrétiens et ne vit que par eux ? J’ai été heureux de voir cette discussion s’élever en Canada. Car j’ai toujours pensé, dans mon petit jugement, qu’il était bien ridicule de tant nous bourrer d’idées païennes, qui prennent les prémices de notre jeune imagination et nous laissent bien froids devant les grandeurs splendides mais austères de la vérité chrétienne.

« Mais revenons à nos moutons.

« Le genre fantaisiste, dit M. Thibault, est un genre radicalement mauvais. Je crois que mon critique est dans l’erreur. La fantaisie n’est pas un genre dans le sens ordinaire du mot. Est-ce que la causerie dans un journal est un genre spécial de littérature ? Quand on écrit en tête de sa prose : Causerie, cela veut dire tout simplement qu’on parlera de omnibus rebus et quibusdam aliis, comme feu Pic de la Mirandole, qu’on racontera des anecdotes, des âneries, sans prendre la peine de les lier les unes aux autres par des transitions. Il en est de même de la fantaisie, c’est un prétexte pour remuer des idées, sans avoir les bras liés par les règles ordinaires de la poétique. C’est justement parce que la fantaisie n’est pas et ne saurait être un genre qu’elle s’appelle la fantaisie, car du moment qu’elle serait soumise à des règles comme les autres parties du royaume littéraire, elle ne serait plus la fantaisie, c’est-à-dire la liberté pleine et entière dans le fond et dans la forme. Qu’est-ce que le Faust de Gœthe, ce drame