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dernières lettres.

à sa mère.


Orléans, 22 avril 1871.
Ma bonne mère,

Les émeutiers continuent à terroriser Paris et les postes sont toujours interrompues. Toutes les lettres de la province et de l’étranger sont dirigées sur Versailles, où elles attendent l’entrée des troupes dans la capitale. Je reste donc privé du bonheur de vous lire. Les malheureux Parisiens subissent en ce moment la plus effroyable dictature. Les églises sont fermées, les prêtres sont jetés en prison, les maisons des riches sont livrées au pillage ; pour un mot, un geste, on vous conduit à la Conciergerie. Tous les misérables qui, dans les temps ordinaires, demeurent dans les bas-fonds de la société, remontent aujourd’hui à la surface et profitent du triomphe momentané de la canaille pour voler les riches et dénoncer leurs maîtres, souvent même leurs bienfaiteurs d’autrefois. Cette orgie de la voyoucratie touche à sa fin. Les troupes de Versailles sont aujourd’hui maîtresses de tous les environs de Paris, et j’espère que tout sera fini le 1er mai.

Ici, à Orléans, tout est très calme. Je vais maintenant chaque jour à la bibliothèque, qui est très riche en documents historiques. J’étudie les chroniques de la ville d’Orléans. Celles qui racontent le siège de 1428 et la délivrance de la ville par Jeanne d’Arc sont très