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à pied. Probablement que dans ses longues courses à travers son pays, il aura pris le goût de la boisson. Cependant il n’a jamais été vu en état d’ivresse. Quoique bohème, il n’a jamais fait un sou de dettes. Ce n’est pas un voyou, c’est une manière de philosophe qui se moque des usages de la société et se contente de vivre à sa guise. Pourtant j’aimerais mieux voir le petit-fils du grand Pothier avocat à Orléans que domestique pendant la moitié de chaque mois dans les auberges de la ville.

Il y a beaucoup de libraires dans la capitale de l’Orléanais. Ils ne se contentent pas, comme ceux de Paris, du seul commerce des livres. Comme chez nous, ils vendent la papeterie, les papiers peints, les articles de Paris et la parfumerie. Le plus important est Gatineau, au coin de la rue Royale et de la rue Jeanne-d’Arc.

Une chose curieuse à voir, ce sont les laitiàres. Elles mettent leurs deux bidons pleins de lait et leurs mesures dans une espèce de panier plat sans couvercle. Elles portent le panier ainsi chargé sur leur tête, qui est protégée par un coussinet, et, les deux bras sur les hanches, elles s’en vont trottinant par la ville avec une rapidité incroyable. Je suppose que défunte Perrette portait ainsi son pot au lait, puisque La Fontaine nous dit qu’il était « bien posé sur un coussinet. » Je ne m’étonne pas que la pauvre ménagère ait vu s’évanouir, avec son lait répandu, son beau rêve de veau, vache, cochon, couvée, car il faut être joliment habi-