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octave crémazie

Dieu dans la récompense de ses serviteurs ? Nous en savons bien peu de chose, et la description qu’on nous en fait, qu’est-elle, sinon une sainte, une austère fantaisie ?

« Pourquoi rechercher l’horrible ? dit M. Thibault. Pourquoi s’écarter du vrai et du beau ?

« Je pourrais bien demander au professeur de l’École normale, qu’est-ce que le vrai, qu’est-ce que le beau en littérature ? Je sais bien qu’il me répondrait tout de suite par le récit de Théramène ou par les imprécations de Camille. C’est magnifique, sans doute, mais il y a une foule de choses qui sont tout aussi belles, mais d’une autre manière ; et ce qu’il appelle horrible n’est souvent qu’une des formes, non pas du beau isolé, mais du beau universel ; tout cela dépend du point de vue. Et, après tout, quand ce serait aussi horrible que vous voulez bien le dire, pourquoi ne pas regarder en face ces fantômes qui vous semblent si monstrueux ? Pour ma part, je crois qu’il est plus sain pour l’intelligence de se lancer ainsi à la recherche de l’inconnu, à travers ces fantaisies, horribles si vous le voulez, mais qui ont cependant un côté grandiose, que d’énerver son âme dans ces éternelles répétitions de sentiments et d’idées à l’eau de rose, qui ont traîné dans la chaire de tous les professeurs de rhétorique.

« S’il fallait supposer, ajoute mon jeune critique, que le corps souffrira encore des morsures du ver, que deviendrait l’existence, grand Dieu !

— Pourquoi pas ? croyez-vous donc que les tour-