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octave crémazie


20 octobre 1869.


« Cher monsieur,


« Je viens d’apprendre par les lettres de ma famille que votre vue, épuisée par les veilles, est enfin revenue à son état normal. La littérature canadienne a perdu ses représentants les plus illustres, Garneau et Ferland. Quel deuil pour le pays si la maladie vous avait condamné à ne pouvoir continuer ces belles et fortes études historiques qui doivent immortaliser les premiers temps de notre jeune histoire et votre nom !

« Dieu a eu pitié du Canada. Il n’a pas voulu que vous, le successeur et le rival des deux grands écrivains que la patrie pleure encore, vous fussiez, dans toute la force de l’âge et dans tout l’épanouissement de votre talent, obligé de vous arrêter pour toujours dans cette carrière littéraire où vous avez trouvé déjà de si nombreux et si magnifiques succès.

« Puisque la Providence, en vous rendant la santé, conserve ainsi à la nationalité canadienne un des défenseurs les plus vaillants de sa foi et de sa langue, je me reprends à croire à l’avenir de la race française en Amérique.

« Oui, malgré les symptômes douloureux d’une annexion prochaine à la grande République, je crois encore à l’immortalité de cette nationalité canadienne que j’ai essayé de chanter à une époque déjà bien éloignée de nous.