La grâce et l’élégance qu’elle a reçues de la nature lui suffisent pour attirer les regards.
« Cependant la muse est femme et trouve peut-être qu’un brin de toilette ne nuit jamais.
« Vous voulez bien me dire que vous publierez mon petit bagage poétique avec le même luxe. Je vous remercie de tout mon cœur de cette offre trop au-dessus de la valeur de mes œuvres, mais je ne saurais l’accepter.
« Comme marchand, j’ai fait perdre, hélas ! de l’argent à bien du monde ; comme poète, je ne veux en faire perdre à personne.
« Je connais assez le public canadien pour savoir qu’une édition, avec ou sans luxe, de mes vers serait une opération ruineuse pour l’éditeur. Pourquoi voulez-vous que je vous expose à perdre de l’argent, vous ou l’imprimeur qui serait assez fou pour risquer une pareille spéculation ? Je n’ai point la sottise de me croire un grand génie et je ne vois pas trop ce que le Canada gagnerait à la publication de quelques milliers de vers médiocres. Quant à moi, il y a longtemps que je suis guéri de cette maladie de jeunesse qu’on appelle la vanité littéraire, et je dis maintenant avec Victor Hugo ce que j’aurais dû dire il y a vingt ans :
Que poursuivre la gloire et la fortune et l’art,
C’est folie et néant ; que l’urne aléatoire
Nous jette bien souvent la honte pour la gloire
Et que l’on perd son âme à ce jeu de hasard.