Page:Crémieux et Halévy - Le Pont des Soupirs.djvu/7

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Cornarino.

Il est étrange que ma femme ne réponde pas !…

Baptiste.

Pour Dieu ! monsieur, ne nous compromettons pas !…

Cornarino.

Je voudrais pourtant bien revoir ma Catarina.

Baptiste.

Je le comprends… mais pas d’imprudence, et que monsieur me permette de lui rappeler notre fâcheuse position.

Cornarino.

Je ne la connais que trop, hélas !… Mais enfin, remémore, remémore, puisque tu le veux… Aussi bien, je ne sais plus guère où j’en suis.

Baptiste.

Voici : monsieur, il y a un an, a été nommé doge de Venise.

Cornarino.

Je le sais ! triste honneur !

Baptiste.

Monsieur, il y a deux mois, a pris le commandement de la flotte.

Cornarino.

Je le sais ! Fatale ambition !…

Baptiste.

Enfin monsieur, il y a quinze jours, a aperçu l’ennemi.

Cornarino.

Je le sais ! Funeste rencontre !… je fus taillé en pièces !

Baptiste.

Pas précisément… c’est-à-dire que craignant de l’être, monsieur a fui…

Cornarino.

Je n’ai pas fui, Baptiste, je n’ai pas fui !… Convaincu que ma femme brûlait du désir de me voir, j’ai fait une retraite personnelle et honorable, te laissant à toi, mon fidèle écuyer, le soin de me tenir au courant de tout ce qui se passerait…

Baptiste.

Je n’ai pas tardé à rejoindre monsieur et à lui apporter la triste nouvelle que sa flotte était définitivement et entièrement coulée…

Cornarino.

Hélas !…

Baptiste, à part.

Je dois dire que c’est ce que m’a affirmé le secrétaire de la flotte,