syllabiques dans la première et la dernière branche, alexandrins dans la troisième et la quatrième. M. Pluquet l’a publié à Rouen, en 1827. Le roman de Rou se termine par ces vers, où l’auteur laisse percer une secrèle amertume :
Die en avant ki dire en deit.
Jo ai dit por maistre Benoit
Ki cest ovre à dire a empriso
Com li reis l’a desor li mise.
Quant li reis li a rové faire,
Laissier la dei, si m’en dei taire.
Li reis jadis maint bien me tist,
Mult me duna, plus me pramist ;
E se il tot dune m’éust
Co k’il me pramist, mielx me fust.
Nel poiz aveir, ne plout al rei,
Maiz n’est mie remez on mei.
« Dise plus avant qui doit en dire, je veux parler de maître Benoit qui
a entrepris d’achever cette œuvre par l’ordre du roi. Puisque le roi l’a
chargé de ce travail, moi je dois le laisser et me taire. Le roi jadis me
fit beaucoup de bien. Beaucoup me donna, plus me promit. S’il avait
tenu tout ce qu’il avait promis, je m’en trouverais mieux. Je ne l’ai pu
avoir ; il n’a plu au roi. Mais il n’a pas dépendu de moi. »
Ce maître Benoit, qui avait succédé à Wace dans la faveur d’Henri II, est l’auteur de l’énorme Chronique des ducs de Normandie, publiée par M. F. Michel, dans la Collection des documents inédits relatifs à l’histoire de France, 1836, 3 vol. in-4o. On s’est accoutumé l'identifier ce chroniqueur avec Benoît de Sainte-More, l’auteur du Roman de Troie, vaste composition qui appartient au cycle de l’antiquité, et que nous retrouverons au xiiie siècle. Rien ne prouve cette identité. Un témoignage, un peu tardif, il est vrai, celui d’Fusfache Deschamps, à la fin du xive siècle, semble indiquer au contraire que l’auteur du Roman de Troie était Champenois, tandis que le chroniqueur, selon toute vraisemblance, était Normand.
Parmi les chroniques rimées, il nous reste à citer celle de Jordan Fantosme, publiée par M. F. Michel, à la suite de la Chronique des ducs de Normandie. Enfin, la Vie de saint Thomas Becket, archevêque de Cantorbéry, par Garnier de Pont-Sainte-Maxence, écrite peu de temps après la mort du fameux prélat, texte important édité par M. Hippeau chez Aubry, en 1859, appartient autant à l’histoire qu’à l’hagiographie.