Après ces chansonniers aristocratiques, nous donnons place à un poëte d’origine bourgeoise : Adam de La Halle, surnommé Adam le Bossu. Ce surnom, du reste, si nous l’en croyons lui-même, n’était nullement mérité :
- On m’apele bochu, mais je ne le suis mie,
dit-il quelque part. Qu’en doit-on penser ? Il est certain que si l’on s’en
rapportait au témoignage des bossus eux-mêmes, on en verrait singulièrement diminuer le nombre. La question est peu importante. Adam de
La Halle était fils d’un habitant d’Arras, nommé maître Henri de La Halle,
qui jouissait d’une certaine aisance et d’une certaine influence dans la
ville. Adam fit ses premières études dans l’abbaye de Vauxcelles, près
de Cambrai. Il se destinait à l’église. Une jeune fille, rencontrée au bord
d’une fontaine par un jour d’été clair et riant, changea subitement sa
vocation. Il l’épousa ; mais si nous devons nous fier aux confidences
indiscrètes qu’il nous fait dans la pièce dramatique intitulée le Jeu d’Adam ou de la feuillée, il ne tarda pas à se repentir de s’être laissé
fasciner par l’amour. Il y avoue tout net que ses illusions sont détruites,
que « sa faim est apaisée, » et qu’il est résolu à laisser là madame Marie
et à s’en aller à Paris acquérir du savoir et de l’honneur. Il faut bien, à
défaut d’autres renseignements, accepter ces détails que l’auteur a
donnés sur sa jeunesse ; toutefois, comme nous les trouvons dans une
comédie bouffonne et railleuse, il est permis d’en suspecter la parfaite
exactitude. Il est plus douteux encore qu’Adam soit venu, comme il
l’annonçait, à Paris ; en tous cas, ce voyage n’aurait laissé aucune trace
dans son existence. Les faits suivants sont plus authentiques. A l’occasion d’une taille qu’on aurait mal répartie, de graves dissensions s’élevèrent dans la ville d’Arras. Toute la bourgeoisie se divisa. Des pamphlets, des chansons, des satires éclatèrent. Enfin maître Henri et son
fils Adam, compromis dans toutes ces querelles, s’expatrièrent en
même temps qu’un certain nombre d’habitants.
Une pièce intitulée Li congiés Adam d’Arras contient les adieux du poëte à sa ville natale. Cette forme du congé semble avoir été propre