À cette époque de misères, de hontes, de guerres civiles et de barbarie qui caractérisent le règne du pauvre Charles VI et le commencement de celui de son fils, trois figures font exception et s’enlèvent comme en lumière sur le sombre fond du tableau. Toutes les trois sont modestes : l’une, sortie des rangs du peuple est, dans sa simplicité, héroïque jusqu’à l’épopée : c’est celle de Jeanne d’Arc ; l’autre, noblement et virilement honnête, est celle du chancelier Gerson ; qu’il soit ou non l’auteur de l’Imitation, il n’en reste pas moins un grand homme et une grande intelligence ; l’autre, uniquement littéraire et de toutes façons moins importante, moins éclatante et plus humble, est celle d’une autre femme, de Christine de Pisan, l’un des esprits les plus élevés et les plus sains, et l’écrivain le plus simple et le plus pur qu’on puisse signaler à cette époque. Son admirable amour de la France, qui remplit tous ses grands ouvrages, et qui alors n’était le plus souvent qu’une douleur, se vit récompensé au delà de son espoir par cette délivrance inouïe ; aussi, quand parut la grande paysanne poussant la France devant elle, Christine, qui attendait en désespérant, salua son arrivée et comme française et comme femme, par un dittié en l’honneur de cette vierge du triomphe, dernière œuvre qui couronna dignement sa vie. D’un autre côté, Gerson, l’autre défenseur de Jeanne d’Arc, connut et estima Christine, dont il fut l’allié dans la guerre qu’elle soutint contre les tendances immorales du Roman de la Rose et de ses imitations. Par tous ces points de contact, et quelque distance qu’il y ait entre elle et les deux noms rayonnants que nous avons écrits avant le sien, elle peut être nommée à côté d’eux et s’asseoir au pied de leur groupe.