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POÉSIES DE JEHAN DU PONTALAIS.



JEHAN DU PONTALAIS


Qui ne connaît maistre Jehan du Pontalais, et les rencontres, brocards et sornettes qu’il disait et faisait, et les beaux jeux qu’il jouait ? Qui ne sait comment il mit sa bosse à côté do celle d’un cardinal, et le malin tour qu’il fit au barbier d’éluves, et sa lutte avec ce maître prêcheur do Saint-Eustache, à qui il voulait enlever ses ouailles à coups de tabourin, puis un million d’autres histoires, nous dit Bonaventure des Periers, et meilleures que celles-ci ? Qui ne le connaît ? Tout le monde en parle au commencement du xvi* siècle et bien plus tard encore. Il devint un type de gaieté, de finesse et de hardiesse.

C’était un leste et joyeux compère, auteur de nombreuses farces, peutêtre directeur de la compagnie des Enfants-sans-Soucis, célèbre d’ailleurs par l’audace de ses allusions. On ne savait rien de plus sur son compte. Nous pouvions aimer en lui une sorte de jovial martyr de la liberté du Moyen-Age ; et quand François I", au début de son règne, le fit saisir et emprisonner pour le punir d’avoir osé, comme au temps du bon roi Louis XII, railler les gens de Cour et maudire leurs prodigalités, nous le voyions avec joie escalader les murailles de sa prison et se mettre aux champs avec ses gais compagnons Jehan Seroc et Jacques le Bazochien. Quelque sympathique qu’il pût être, il n’était, en somme, que le roi des bateleurs. Un renseignement, dont je n’ai pu retrouver l’origine, nous assurait bien qu’il avait composé un Traité sur les femmes ; cela ne suffisait pas pour lui constituer, aux yeux de la postérité, une grande renommée poétique.

A cette heure, pour quelques érudits du moins, le jongleur est en chemin de devenir un illustre écrivain. Nous avons, en effet, parmi les plus remarquables produits de la littérature de Louis XII un volume de vers et de prose, connu sous le titre de Contreditz de Songecreux. La prose y est claire et ferme comme celle que nous montrera la fin du siècle ; la poésie y est variée de ton, d’une simplicité rare à cette époque ; les idées larges et fines, tantôt graves tantôt vives, montent jusqu’à la satire la plus noble ou descendent, dans l’étude de la vie vulgaire, jusqu’à cette exubérante, colorée et vivace grossièreté dont Rabelais nous offre maints modèles ; et ces modèles sont à peine supérieurs aux tableaux que trace Songecreux de l’existence journalière des courtisans. Ce livre, je l’avais attribué jusqu’ici à Gringore, avec