Les poésies anonymes surgissent en grand nombre durant la moitié du siècle que nous venons d’étudier ; elles demanderaient une étude spéciale, je le sais ; je me contente de dire qu’elles rentrent toutes dans chacun des genres que nous avons établis, et je cite celles qui m’ont paru les plus importantes dans chaque série. Quelques-unes, comme les Dictz des Bestes et de Bigorne, la Doctrine du Père au Fils, les Ventes d’Amours, et les Doctrinaux des Filles, des Bons Serviteurs, du Nouveau Marié, ne sont que des souvenirs modernisés de quelques pièces de l'ancien Moyen-Age. Le Songe doré de la Pucelle, le Testament d’un Amoureux, la Venue de Bon Temps, doivent leur origine soit à l’une, soit à l’autre des deux inspirations poétiques qui dirigent la haute bourgeoisie. À cette série encore, mais uniquement comme style, appartiennent les Sept Marchands de Naples et la Complainte du Peuple contre les Boulangers, Comme esprit, ces pièces montrent les caractères qui distinguent l’intelligence de la petite bourgeoisie, et en cela elles se rencontrent avec les Dictz de maistre Aliborum et des Villains, avec les Souhaits des Hommes et du Monde, avec les Varlets et Chambrières à louer, La Pronostication des Laboureurs, les Dictz des Pays Joyeux semblent faits uniquement pour le commun peuple. La poésie pieuse et la poésie patriotique sont fécondes. Nous nommerons seulement, pour la première, les Ventes d’Amour divine ; pour la seconde, l’Epistre de Henri VII à Henri VIII. Mais la grande masse des pièces anonymes est due à ce qu’on appelle trop vaguement l’esprit gaulois, et qui n’est, à cette époque, que l’esprit des corporations joyeuses. Le Monologue des Nouveaulx Sotz, le Sermon de la vie de saint Harenc, le Discours joyeux des Friponniers, la Médecine de maistre Grimache, et le Caquet des Chambrières donnent une idée complète de ces ébats de la muse populaire.
Nous avons cru devoir nous appesantir un peu sur une école jusqu’ici peu étudiée, et qui résume cependant les deux cents dernières