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POÉSIES DE MAURICE SCÈVE.



DIZAINS


Dans son jardin Venus se reposoit
Avec Amour, sa douce nourriture.
Lequel je vis, lorsqu’il se déduisoit,
Et l’aperçus semblable à ma figure :
Car il estoit de très basse stature,
Moi très petit ; lui pasle, moi transi.
Puisque pareils nous sommes donc ainsi
Pourquoi ne suis second dieu d’amitié ?
Las ! je n’ay pas l’arc et les traits aussi
Pour esmouvoir ma maistresse à pitié.



Amour perdit les traits qu’il me tira.
Et de douleur se print fort à complaindre ;
Venus en eut pitié, et soupira,
Tant que par pleurs son brandon feit esteindre
Dont aigrement furent contrainctz de plaindre,
Car l’Archer fut sans traict, Cypris sans flamme.
Ne pleure pas, Venus ; mais bien enflamme
La torche en moy, mon cœur l’allumera :
Et toy, enfant, cesse, va vers madame
Qui de ses yeux tes flèches refera.



Le doux sommeil de ses tacites eaux
D’oblivion m’arrousa tellement.
Que de la mère et du filz les flambeaux
Je pressentois estaintz totallement,
Ou le croyois, et spécialement