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JEAN DE LA TAILLE
ET
JACQUES DE LA TAILLE


1542 — 1562



Dans cette école fameuse de poètes qui, pendant un demi-siècle, retint la France sous le charme de l’art nouveau qu’elle apportait, sans doute ils ne sont pas au premier rang, ces deux frères, Jean et Jacques de La Taille ; mais ils y gardent leur place avec honneur, ils y ont leur physionomie assez distincte ; et, pour ceux qui ont étudié avec attention et goût l’histoire littéraire de cette époque, le mérite de se détacher, par quelque nuance, du groupe supérieur et absorbant, n’est certes pas à oublier. L’un des deux, d’ailleurs, est mort aux premiers jours de jeunesse, au plus vert de son âge, comme le dit, avec un accent d’amer regret, le frère qui lui survécut bien des années, et qui revint souvent, dans des vers tout pénétrés de touchante tendresse, au souvenir de cet aimable compagnon de ses beaux rêves de gloire et d’avenir. Cette complète sympathie, cette profonde amitié, — car tous deux ne vivaient que d’un esprit ensemble, — se présente à vous d’abord, comme le cadre d’or qui rassemble et met en relief leurs figures fraternelles dans l’illustre galerie, où seuls ils ont cet aspect de poétiques gémeaux. Sur le fond d’azur où, plus lumineuse sans doute, se montre la célèbre Pléiade, ils apparaissent néanmoins comme les Dioscures de cette sphère ; et c’est Jean de La Taille qui pour eux deux trouve naturellement cet emblème, lorsqu’il en vient, dans la naïve fierté de son œuvre parachevée, à s’écrier, en la pointe d’un sonnet :


Départant ce que j’ay d’immortel à mon frère,
Ainsi que fit Pollux à son frère Castor.