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LAMOTTE-HOUDART


1672 — 1731



Une des périodes les plus ignorées de la littérature française est celle qui embrasse les trente premières années du xvm e siècle. Les grands poètes classiques sont morts ; les splendeurs du règne de Louis XIV s’éteignent dans la tristesse et le néant ; les beaux esprits de la Régence ne semblent occupés que de plaisirs et de débauches ; on dirait que la sève de l’intelligence s’arrête épuisée. Mais, en France surtout, la vie de l’esprit ne cesse jamais ; sous une mort apparente croissent et se développent des germes inconnus ; la pensée revêt des formes nouvelles appropriées à des hommes nouveaux. Le commencement du xviiie siècle fut un de ces moments de transition, et, par les résultats qui en devaient sortir, l’un des plus intéressants que présente notre histoire.

Tandis que la duchesse du Maine faisait de sa cour de Sceaux le temple des galanteries délicates et des gracieuses frivolités, quelques sociétés d’hommes choisis commençaient à mêler aux conversations sur les lettres et les arts des discussions nouvelles sur l’homme et ses destinées, sur les peuples et les gouvernements. Ils s’exerçaient à l’observation exacte, à l’analyse des faits, à la précision scientifique du langage ; ils appliquaient la doctrine du doute : c’était le berceau de l’esprit philosophique. En même temps, Voltaire, qui devait donner son nom à son siècle et à ce mouvement nouveau des idées, préparait sa réputation par la Henrmde et par la tragédie d’Œdipe.

L’influence et l’autorité littéraires appartenaient alors à deux hommes qui étaient loin de prévoir la supériorité de Voltaire : c’était Fontenelle et Lamotte-Houdart. Liés de l’amitié la plus étroite, ils dirigèrent dans la même voie leur vie et leur talent. Tous deux, sans estimer, sans