Page:Crépet - Les Poëtes français, t3, 1861.djvu/331

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ESCOUCHARD-LEBRUN


1729 — 1807



Qui n’a pas lu dans les agréables Souvenirs de madame de VigéeLebrun l’histoire de ce fameux souper où, pour la plus grande joie de M. de Vaudreuil, la vive artiste s’ingéra de costumer tous ses convives à la grecque ? Dorat-Cubières y figurait avec « la guitare qu’il avait fait monter en lyre dorée ; » Ginguené y remplaçait Platon, et Chaudet y parodiait Phidias ; « Lebrun entre ; on lui ôte sa poudre, on défait ses boucles de côté, et la maîtresse du lieu lui ajuste sur la tête une couronne de laurier avec laquelle elle venait de peindre le jeune prince Henry Lubomirski en Amour de la Gloire. Le comte de Parois avait justement un grand manteau de pourpre ; elle s’en sert pour draper son poëte dont elle fait en un clin d’œil Pindare, Anacréon. » La mascarade achevée, on se met à table, et Ton déguste le brouet. — Plaisanterie innocente, et qui fit pourtant grand bruit. Dans les salons, on affirma que la fête coûtait vingt mille francs. Les nouvellistes, ces échos qui doublent le son, calculèrent d’autre sorte, et bientôt à SaintPétersbourg, madame Lebrun apprenait que vingt-cinq mille écus s’étaient fondus dans son creuset athénien. En réalité, cette puérile mise en scène d’un chapitre (ÏAnacharsis, y compris les raisins do Corinthe et la couronne de laurier qui décora le front du Pindare, représentait la somme fabuleuse de quinze francs.

Je ne consentirais pas à me souvenir de cette insignifiante anecdote, si je n’y trouvais une moralité immédiatement applicable au plus illustre acteur de l’intermède attique, au modèle qu’il me faut essayer de peindre, à Ponce-Denis Escouchard-Lebrun, celui qu’on n’appelle plus sérieusement Lebrun-Pi ndare. Il avait les qualités extérieures du poète lyrique. Tel que l’a vu M. de Chateaubriand, « les yeux âpres,