Page:Crépet - Les Poëtes français, t3, 1861.djvu/67

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MADAME DESHOULIÈRES


1638 — 1694



Il y a de madame Deshoulières un joli portrait signé par mademoiselle Chéron, son amie, qui l’a représentée belle et triomphante encore et l’étoile au front, quoique âgée de plus de cinquante ans. La beauté de cette dixième muse, de la Calliope moderne, de l’illustre précieuse Dioclée, de la glorieuse académicienne de Padoue et d’Arles, dont les poésies furent souvent récitées et applaudies au Louvre, en pleine Académie française, cette beauté languissante, à brusques réveils, dura un peu plus en effet que sa gloire littéraire. Avant que les beaux yeux n’eussent pâli, l’auréole poétique s’était éteinte ; et mademoiselle Chéron, vers 1690, était à peu près la seule personne qui vît distinctement une étoile sur le front d’Amarillis. Madame Deshoulières ellemême avait eu sans doute le pressentiment de ce malheur quand elle avait dit, en se mirant dans sa glace :

Amarante, vous chanterez
Sans que personne vous écoute.

Ce nom harmonieux de Deshoulières, si retentissant autrefois, ne se lie aujourd’hui, dans la plupart des mémoires, qu’au lointain écho des Vers allégoriques à mes enfants :

Dans les prés fleuris
Qu’arrose la Seine, etc.,


de ces fameux vers qu’on a voulu arracher à leur auteur pour les restituer à Coutel. Comment se fait-il pourtant que ce faible écho se prolonge, et que ce nom presque oublié ne soit pas mort tout entier ? C’est en vain que Racine a poursuivi l’amie do Pradon ; c’est en vain