Page:Crépet - Les Poëtes français, t4, 1862.djvu/587

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    Viens, le soleil te parle en lumières sublimes ;
Dans sa flamme implacable absorbe-toi sans fin ;
Et retourne, à pas lents, vers les cités infimes,
Le cœur trempé sept fois dans le néant divin.




LE MANCHY[1]


Sous un nuage frais de claire mousseline.
       Tous les dimanches, au matin,
Tu venais à la ville en manchy de rotin,
       Par les rampes de la colline.

La cloche de l’église alertement tintait ;
       Le vent de mer berçait les cannes :
Comme une grêle d’or, aux pointes des savanes,
       Le feu du soleil crépitait.

Le bracelet aux poings, l’anneau sur la cheville,
       Et le mouchoir jaune aux chignons,
Deux Telingas portaient, assidus compagnons,
       Ton lit aux nattes de manille.
 
Ployant leur jarret maigre et nerveux, et chantant,
       Souples dans leurs tuniques blanches,
Les bambous sur l’épaule et les mains sur les hanches,
       Ils allaient le long de l’étang.

Le long de la chaussée et des varangues basses
       Où les vieux créoles fumaient,
Par les groupes joyeux des noirs, ils s’animaient
       Au bruit des bobres[2] madécasses.

  1. Sorte de palanquin en usage à l’Île-Bourbon.
  2. Instrument de musique.