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SOUVENIRS

quement habillés, moyennant des oripeaux d’Opéra, et il y avait aussi bon nombre de garçons carrossiers, qu’on disait Belges ou Bataves, et qu’on avait ajustés en Chinois, en Tartares, et même en sauvages, avec des chabraques en peluche tigrée, des couronnes de lierre et des massues, tout justement comme aux parades de la foire et dans le cortége du beûgras. Tous ces envoyés extraordinaires et plénipotentiaires du genre humain furent présentés à l’Assemblée par un Prussien, fanatique et fantastique gentilhomme, qui se faisait appeler Anacharsis, et qui s’appelait, en réalité, le Baron Jan Baptist von Clootz-Schlestedt. Il avait dit à M. de Lauzun qu’il était pour le moins d’aussi bonne maison que le Roi de Prusse, ce qui n’aurait eu rien d’extraordinaire, et si la difficulté de prononcer et d’orthographier exactement un si beau nom pouvait être nuisible à sa célébrité nobiliaire ou sa popularité, ce serait dommage[1] !

Cet extravagant baron n’avait pas manqué d’adresser à nos régénérateurs un discours approprié pour la circonstance. Il avait parlé de la trompette qui venait de sonner la résurrection universelle des peuples, en donnant le signal du bonheur de l’humanité, dans ces lieux et cette même cité parisienne

  1. En opposition complète avec l’abbé Fauchet, il s’était déclaré l’ennemi personnel de Jésus-Christ, et il disait que son âme avait toujours été sans culotte. Après avoir déposé sur l’autel de la liberté une somme de 12 mille francs pour faire la guerre aux despotes, et après avoir été reconnu pou l’orateur officiel du genre humain, Robespierre le fit guillotiner en 1794.
    (Note de l’Éditeur.)