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SOUVENIRS

la fugitive avec tous ses joyaux et ses insignes, et de l’escorter jusqu’à la barre de l’Assemblée, ce qu’on pourrait exécuter aux dépens de cette princesse et moyennant ses doubles louis ? Mais les avis modérés prévalurent et l’on s’était contenté de lui assigner la ville pour prison ; on lui avait remis trente-six francs pour subvenir aux dépenses que pourraient exiger son rang et la splendeur de ses habitudes ; enfin, les municipaux de Jougnes attendaient les instructions de l’Assemblée nationale au sujet de cette émigrante.

Il faut être juste à l’égard de tout le monde, et je conviendrai que les membres du comité des Recherches se conduisirent équitablement dans cette occasion-ci. Ils écrivirent à ces Francs-Comtois pour les prier de ne pas retenir indéfiniment Mlle  Sainval, du Théâtre-Français, parce qu’elle avait souscrit un engagement pour aller jouer la comédie à Besançon et qu’on pourrait la faire condamner à payer un dédit de sept à huit mille livres, à titre d’amende.

Je vous rapporterai maintenant un événement bien minime en vérité, mais qui n’en détermina pas moins l’émigration de votre pauvre mère.

Elle avait eu jadis un laquais provençal, appelé Montorge, lequel était né son vassal au comté de Grignan. La grand’mère de ce domestique avait été la nourrice du Maréchal du Muy, et c’est par cette raison que ma belle-fille avait toujours assisté libéralement toute la famille. Ce Montorge avait servi comme soldat au régiment de Boulonais avant d’entrer à notre service, et depuis quatre ans il habitait le bourg de Saint-Fal où votre mère avait