Page:Créquy - Souvenirs, tome 8.djvu/109

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
105
DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

blait effrayant, sans contredit, mais par-dessus tout, monstrueusement absurde. Le chef-d’œuvre du temps fut, à mon avis, le discours de Robert (des Ardennes), et j’ai toujours conservé le Journal du Soir, où j’avais trouvé ce beau parangon de l’éloquence révolutionuaire.

« Assez et trop longtemps, les rois ont usurpés le droit de juger les hommes, et le jour est venu où les hommes vont juger les rois. Des citoyens encore étonnes de la glorieuse et heureuse journée du dix août, se font une grande affaire de juger un roi ; leur étroite cervelle conçoit avec quelque peine l’idée que sa Majesté le Roi de France et de Navarre sera interrogé par nous ; que le descendant de Henri IV et de Louis-le-Grand sera amené à notre barre ; que la hache du bourreau pourra abattre cette exécrable et orgueilleuse tête qui osait s’élever au-dessus du peuple ! Ah ! que ces hommes sont au-dessous de ma pensée ! Qu’ils sont loin de la vôtre, législateurs du monde ! allez, si quelque chose est petit dans notre mission, si les représentans de la république française et de la nation pouvaient paraitre en disproportion morale et politique avec la hauteur immense où la votonté et le libre choix de leurs concitoyens les à placés, n’est-ce pas à cause que nous en sommes réduits, nous représentans d’un peuple libre, à nous occuper d’un roi, c’est-à-dire non seulement d’un tigre, d’un anthropophage, d’un de ces êtres que la liberté abhorre, que l’égalité repousse, que l’humanité exile à jamais de la terre des vivans ! mais d’un insecte, d’un vil insecte !…