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Page:Créquy - Souvenirs, tome 8.djvu/114

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SOUVENIRS

monté sur une borne à la porte de l’hôtel de la Vieuville (c’est-à-dire au coin de la place Louis XV et de la rue des Champs-Élysées), et lequel avait les yeux fixés sur l’échafaud. Aussitôt que l’exécuteur eut élevé la tête du Roi pour la montrer aux spectateurs, le général Égalité monta sur un cheval qu’on lui tenait en lesse à la porte de l’hôtel de la Reynière ; et il s’éloigna précipitamment. On a dit que c’était pour aller annoncer à l’armée républicaine, où il avait de l’emploi, que le tyran n’existait plus ; mais je ne sais pas si cette partie de la nouvelle était bien exacte. C’est un article de notre bulletin que je n’ai pas pris la peine de vérifier.

Il est assez connu que le Sieur Leduc, ancien tailleur de la maison du Roi, avait envoyé une pétition pour qu’il lui fût permis de faire inhumer à ses frais le corps de Louis XVI. On lui fit son procès dans les vingt-quatre heures, et il fut conduit à l’échafaud le lendemain matin.

Pendant la nuit du 22 au 23 janvier, l’Abbé du Puget, aumônier du Roi, fut introduit dans le cimetière de la Madelaine, et de concert avec le chef des fossoyeurs, il y revêtit ses habits sacerdotaux. Pendant qu’il y récitait l’office des morts à la lueur d’une lanterne sourde, il entendit un vacarme affreux à la porte du cimetière ; c’était une patrouille de bonnets-rouges, et comme il ne douta pas qu’ils n’eussent aperçu de la lumière, et qu’ils ne finissent par enfoncer la porte, il se hâta de procéder à la bénédiction de la fosse où l’on avait jeté le corps du Roi, et quand il se fut acquitté de cette pieuse fonction, pour laquelle il avait été commis par