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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

le courage de marcher sur des cadavres, pour arriver à la liberté des peuples. » Mais en voilà sûrement plus qu’il ne vous en faut, et vous voyez que l’éloquence laconienne de Fouché (de Nantes) n’avait rien de laconique.

La Convention nationale avait supprimé non seulement les institutions, mais toutes les appellations qui pouvaient rappeler, disait Cambacérès, une idée de l’ancien régime ; ainsi voyez tout ce qu’il y avait à démolir, et représentez-vous, si vous pouvez, quel amas de décombres il y avait autour de nous.

Depuis que les conventionnels avaient décrété que la religion catholique était remplacée par le culte de la Raison, sublime Déesse, à qui la ci-devant église de Notre-Dame était particulièrement affectée, il était interdit d’employer le mot Saint, même dans les noms de famille où la particule de se trouvait dans le même état de proscription. Tout le monde a su quel embarras avait été celui de M. de Saint-Denis, qu’on interrogeait à la section de Guillaume Tell : — Je m’appelle Saint… — il n’y a plus de Saint ! — Alors je me nommerai De… — Il n’y a plus de de ! — Mais pour lors je m’appellerais Nis, si vous ne voulez pas m’en laisser davantage ?… Chacun a su l’histoire de cette Baronne de Boisfeuvrillé, qui était une vieille bretonne, et que le comité révolutionnaire de son district nous avait expédiée sous le nom de Malcovie Bahuno, veuve Bois-pluviose ce qui lui sauva la vie, parce qu’elle ne voulut jamais répondre à ce nom-là. Quand on venait l’appeler pour aller au tribunal, elle avait l’air de n’y rien comprendre, et comme personne