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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

La proposition de Barrère n’avait pas manqué d’être adoptée par les montagnards et les autres buveurs de Sang avec lesquels elle avait été concertée d’avance, et je ne saurais vous exprimer quelles furent mes angoisses et mon affliction pendant qu’on instruisait le procès de la Reine. On avait l’inhumanité de l’outrager si cruellement, que sa condamnation nous apparut comme une sorte de délivrance, ou du moins, de soulagement pour elle.

Tandis quêta Reine était à la Conciergerie, nous avions eu la triste consolation de savoir de ses nouvelles à peu près tous les jours. La femme du concierge, appelé Richard, était notre intermédiaire auprès de cette princesse ; et ce fut ainsi que nous eûmes connaissance d’un projet qui avait été conçu par la Marquise de Janson[1]. Elle avait commencé par emprunter sept a huit cent mille livres en engageant toute sa fortune, ensuite elle alla trouver l’Abbé du Puget pour qu’il eût à nous demander de lui procurer trois ou quatre cent mille francs qui lui manquaient encore et dont son mari fournirait la caution. Comme il était question d’en acheter la délivrance de la Reine et que Mme  de Janson méritait toute sorte de confiance, il ne fut pas difficile de lui procurer cette somme. Je n’avais plus à ma

  1. Son mari, de la maison de Forbin, doit être votre parent par Messieurs du Muy, et sa femme est une personne incomparable pour le dévouement et pour le courage. Elle est fille du Prince de Galéan qui était le parent et l’ami de mon neveu du Châtelet. (Note de l’Auteur.)