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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

bis. En considérant les moyens qu’il employait, ceux qu’il avait en réserve, et l’espèce de gens qui se tenaient à sa disposition, c’est un projet qui n’avait rien d’impraticable, et j’en éprouvais quelquefois, pour l’avenir de notre malheureuse patrie, des mouvemens d’angoisse et d’effroi que j’avais grand’peine à surmonter, malgré toute la confiance que je devais porter en Dieu. Mais, par ma foi ! lorsque j’appris que la commission militaire de Nantes avait fait fusiller des enfans de sept ans[1] ; lorsque je vis dans le compte rendu de la séance des jacobins, qu’on venait d’y faire la proposition de faire guillotiner tous les individus français, royalistes ou terroristes, hommes ou femmes et riches ou pauvres, aussitôt qu’ils auraient atteint leur soixantième année ; lorsque j’y trouvai la proposition de saler ou mariner les chairs des suppliciés qui seraient reconnues saines et de qualité potable, afin que les aristocrates pussent devenir utiles à quelque chose, et du moins après leur mort ; enfin lorsque je vis donner publiquement un encoura-

  1. « Nous n’avons garde d’épargner les femmes et les enfans. Les femmes engendreraient trop si on les laissait vivre, et les enfans sont des louveteaux qu’il faut étouffer. Les femmes de la Loire-Inférieure et de la Vendée sont toutes des monstres. Les enfans ont aussi trahi la république. Ceux de treize à quatorze ans portent les armes contre elle, et ceux du plus bas âge servent d’espions. Plusieurs de ces petits scélérats ont été jugés et condamner par la commission militaire et mis à mort. Quant aux ci-devant prêtres, on en a submergé quintidi dernier quatre-vingt-deux, sans compter les autres coupables, ainsi, tu vois que le décret qui les condamnait à la déportation a été exécuté verticalement. » (Rapport de Carrier, 21 février 1794.)