Page:Créquy - Souvenirs, tome 8.djvu/24

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tente de mon voyage. — Oui, lui dis-je, pourvu qu’il finisse bientôt ! Encore quelques jours, et je détesterai si fort tous les gens que je vois ici, que je ne saurai que faire de ma haine. — Eh ! mon Dieu quel mal te font-ils ! lui répondit sa mère. — Envisager l’injustice et contempler l’absurdité !  »

Il est à croire que Mme  Flipon, née Rotisset, ne trouva pas grand’chose à répliquer à sa fille, laquelle est partie de là pour travailler sans relâche à l’établissement de la république, en négligeant pour cette fois les pondérations d’un examen appuyé sur l’autorité de l’histoire, sans envisager et sans contempler l’injustice de la mort de Socrate, de l’exil d’Aristide et de la condamnation de Phocion.

Après avoir suivi Mme  Roland dans la carrière de l’erreur, dans ses égaremens, ses agitations et dans les folles joies du triomphe d’un jour, nous la verrons bientôt dans l’infortune, insultée par les scélérats les plus vils poursuivie par des tigres altérés de sang, victime indomptable ! elle a dévoré ses larmes. Elle est montée sur un théâtre de carnage et d’horreur sans autre appui que l’orgueil humain, avec une épouvantable sécurité !… Détournons les yeux d’un pareil spectacle et suivons les évènemens dans leur marche funèbre.