Aller au contenu

Page:Créquy - Souvenirs, tome 8.djvu/240

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
236
SOUVENIRS

en était complète mais c’était à 21 mois de distance et les révolutions marchent si vite en ce pays ci.

Je vis que les ossemens de Marat étaient dans un grand panier et je demandai ce qu’on allait en faire ? Langevin (je suis bien obligée de vous parler continuellement de mes domestiques, puisque je n’avais plus aucune autre compagnie que la leur mais je n’en prétends pas faire la dédaigneuse et la confondue, c’est la concordance dans l’opinion politique et les principes religieux qui établissent naturellement la plus parfaite égalité ; je l’ai bien éprouvé pendant cette révolution) mais je retourne à Langevin qui s’en fut questionner les convoyeurs de ce panier en mon nom propre.

— Madame la Marquise de Créquy fait demander à ces Messieurs… — Il arriva tout aussitôt cinq ou six jeunes gens de bonne tournure à ma portière, et quand ils m’eurent fait part de leur intention, je ne pus m’empêcher de les en applaudir, en disant que c’était le sanctuaire le mieux choisi pour une pareille idole. Ils me demandèrent si je sortais de prison ?… Il y en avait qui venaient me serrer les mains et qui avaient des larmes dans les yeux, et c’est que tout le monde était dans des transports de sensibilité, de bienveillance et de jubilation dont on ne pourra se faire aucune idée dans les temps futurs et d’après les livres. Je suis fâchée que vous n’avez pas vu te temps-là de manière à vous en pouvoir souvenir. Oh ! l’humanité